Rémi Bourget, vice-président du conseil d’administration du Barreau du Québec, estime que les récentes initiatives législatives du gouvernement provincial menacent les fondements de la démocratie en privant les citoyens et les institutions des outils dont ils ont besoin pour défendre leurs droits. Crédit photo : Gracieuseté
Le Barreau craint une érosion de l’état de droit au Québec
Tashi Farmilo
Dans une rare sortie publique, le Barreau du Québec sonne l’alarme au sujet de trois initiatives législatives du gouvernement provincial qui présentent des « risques de dérives autoritaires ». Selon le Barreau, les projets de loi 1, 2 et 3, récemment présentés à l’Assemblée nationale, incluent des dispositions qui affaiblissent l’état de droit.
Le vice-président du conseil d’administration du Barreau du Québec, Rémi Bourget, affirme que l’enjeu n’est pas seulement d’ordre juridique; il en va des fondements mêmes de notre régime démocratique. « Dans un état de droit, on n’élit pas un roi », dit-il. « On élit des dirigeants qui doivent être tenus responsables devant la loi. C’est le principe de l’état de droit : l’équilibre des pouvoirs ».
Le Barreau exprime de sérieuses préoccupations quant au projet de loi 1 sur la Constitution québécoise. Des mesures prévues à l’article 5 de ce projet de loi auraient pour effet d’interdire ou de limiter le droit d’une institution ou d’une organisation qui reçoit de l’argent du public de recourir aux tribunaux pour contester la constitutionnalité d’une loi applicable au Québec. Cela comprend les ordres professionnels, comme le Barreau lui-même ou la Commission des droits de la personne, dont la mission est précisément d’assurer la protection des droits fondamentaux du public.
Si ces organisations décidaient malgré tout de contester les actions du gouvernement devant les tribunaux, leurs administrateurs pourraient être tenus personnellement responsables de rembourser les frais judiciaires engagés, qui peuvent atteindre des centaines de milliers de dollars, déplore M. Bourget.
Le projet de loi 3 cible les syndicats et les associations professionnelles, notamment les syndicats d’enseignants et de travailleurs de la santé qui ont contesté des lois gouvernementales ces dernières années. Si elle est adoptée, cette loi permettrait d’imposer des amendes pouvant atteindre 50 000 $ aux associations qui prennent des mesures jugées contraires aux nouvelles limites fixées par la loi. Le Barreau y voit une atteinte directe à la capacité des syndicats de défendre les droits de leurs membres devant les tribunaux.
Avec la loi 2, qui vise à réformer le mode de rémunération des médecins de la province, le gouvernement prévoit notamment de désigner des inspecteurs pour surveiller la performance des médecins. De plus, ces inspecteurs auraient le pouvoir d’interdire aux praticiens de la santé de discuter de certains sujets avec quiconque, y compris leurs proches, sous peine de lourdes sanctions financières. Selon M. Bourget, ce niveau d’entrave à la liberté d’expression est sans précédent dans l’histoire du droit québécois.
Le Barreau a donc demandé au gouvernement de retirer des projets de loi 1, 2 et 3 les articles qui empêchent les citoyens de faire valoir leurs droits contre le gouvernement et qui contribuent à l’érosion de notre démocratie. Il s’agit plus précisément de l’article 5 du projet de loi 1, des articles 7 et 9 du projet de loi 3, ainsi que les articles 141 à 163 et 173 de la loi 2. Bien que le ministre de la Santé se soit engagé à ne pas utiliser certaines mesures liées à la surveillance de l’assiduité des médecins dans le cadre de sa loi 2, le Barreau estime que les promesses verbales ne suffisent pas.
Le Barreau conclut que la voie à suivre est de rétablir la transparence et le dialogue entre les citoyens et les gouvernements en faisant intervenir des organisations et des associations constituées pour les représenter. « Parce qu’un état de droit fort repose sur l’engagement de tous », conclut-il.
Trad. : MET
